L’économie du 21ème siècle passe par le numérique et la TNT, une aubaine pour l’Afrique qui a l’occasion de se faire entendre sur la scène internationale. Mais comme à chaque tournant stratégique, il faut faire attention de ne pas trop se pencher dans les virages… C’est du moins le message que souhaite adresser Etienne Fiatte, directeur général de la CFI aux acteurs de l’audiovisuel africain.
Les nouvelles technologies offrent de véritables opportunités comme la propagation d’une culture panafricaine ou encore une meilleure diffusion de l’information, cependant la transition technologique doit avoir lieu avec la vigilance des autorités pour que les objectifs de l’UIT ne précipitent pas l’offre télévisuelle africaine vers les abysses du low-cost…
L’an dernier, 47 pays d’Afrique subsaharienne se sont entendus pour basculer vers la télévision numérique terrestre (TNT) à l’horizon 2015. François Rancy, le directeur du Bureau des radiocommunications de l’Union internationale des télécommunications (UIT) souligne d’ailleurs qu’à cette occasion « l’Afrique est sur le point de devenir la première région à être en mesure d’attribuer les fréquences libérées par le passage à la télévision numérique au service mobile dans les bandes des 700 MHz et des 800 MHz ».
Le PDG du groupe média français Trace TV considère d’ailleurs le marché africain « difficile mais prometteur ». De son côté, le président de l’Union africaine de radiodiffusion (UAR), Tewfik Khelladi, a précisé que «l’extinction du processus des signaux analogiques va commencer en 2015 et que tous les pays devront être théoriquement prêts à diffuser en numérique en 2020».
Au cours de la reconfiguration du panorama de l’audiovisuel africain, un nouvel acteur a particulièrement brouillé les pistes ces dernières années. Le nouveau groupe média chinois Startimes veut rapidement se faire un nom sur le cinquième continent sans tenir compte des efforts à mener dans la course à l’innovation que se livrent déjà les puissances fortement industrialisées. Le directeur général du groupe justifiait ainsi d’utiliser des technologies différentes en fonction de l’emplacement géographique, pour les petites villes la technologie DTH en bande KV et pour le reste du territoire, la technologie DTT+DTH.
De fait, les téléspectateurs restent les principaux promoteurs de l’audiovisuel africain, or ces derniers se détournent de plus en plus des programmations locales. Selon l’Institut National d’Audiovisuel (INA), « après avoir ratissé large, un peu comme s’ils sondaient une audience mal connue, les producteurs et diffuseurs doivent aujourd’hui élaborer une offre adaptée ». Cette problématique, Étienne Fiatte, directeur général de l’Agence française de coopération médias (CFI) l’a synthétisée sous le titre de « l’enjeu des contenus ».
A l’occasion de la rencontre qui s’est déroulée à Paris les 7 et 8 novembre 2013, en présence des ministres de l’Afrique subsaharienne en charge de la transition numérique, le DG du CFI soulignait encore l’importance de l’innovation culturelle afin de matérialiser l’opportunité de l’économie numérique en Afrique. Selon le spécialiste, le continent devra répondre principalement à deux priorités : la régulation de l’offre des chaînes, et la production de programmes locaux.
Dans cette perspective, la différence entre Startimes et des groupes comme TV5 Monde ou Canalsat est saisissante, notamment dans leur politique de production. Pendant que l’un se contente de tourner le « robinet à images », d’autres acteurs plus responsables projettent d’ouvrir leur gouvernance aux élites locales comme l’a par exemple envisagé Yves Bigot de TV5 Monde. De plus préviennent les experts, chez Startimes « pas question de proposer au public africain les soaps états-uniens auxquels ont droit les Européens ! La bouillie audiovisuelle promise aux Africains (qui goutent déjà l’amère potion depuis de nombreuses années) est encore plus bas de gamme ».
Avec la transformation en cours, les orientations des prochaines années détermineront probablement la réussite de l’audiovisuel africain pour les décennies à venir. C’est pourquoi, les choix des technologies employées, de l’organisation de la production, et de la régulation de la programmation doivent faire l’objet d’une réflexion préalable à toute décision. Ainsi, lorsque Madagascar opte pour la technologie Startimes qui se présente elle-même comme « low-cost » à la Commission Spéciale à la Communication Audiovisuelle de l’île (CSCA), on ne peut que souhaiter à la population insulaire d’avoir accès à un large bouquet de chaînes…